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CM Jones

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Motions, quand le hip-hop rime avec fusion

« Le hip-hop, c’était mieux avant ? » Vieille rengaine des bboys addicts et fan éperdus du golden age du style durant les années 90. Nombre de suiveurs du mouvement s’accordent pourtant à dépasser ce présupposé quasi rituel tant la production dans le vaste champ que détoure aujourd’hui le hip hop est pléthorique et stimulante. Pas une semaine, pas un jour sans une réjouissance à se mettre dans les oreilles, entre le revival 90’s porté par la jeune ou la plus ancienne garde east coast, l’imagination débordante aux quatre coins de la planète pour digérer et réinventer sans cesse le style, tout en respectant ses racines et codes ou, (et la liste ne sera pas exhaustive) la nouvelle école du beatmaking lancée il y a maintenant une bonne dizaine d’années par un membre de la famille Coltrane, j’ai nommé Flying Lotus.

Devant tant d’offres, difficile de faire le tri et de s’arrêter vraiment sur un projet.
Et un jour, un album sort du lot, par sa qualité musicale, c’est une base incontournable, mais surtout par la sincérité qu’il dégage et la prise de risque qu’il engage.
 Ce sont les sentiments ressentis à l’écoute du dernier album du duo franco-américain CM Jones, formé par le beatmaker Creestal et le rappeur MoShadee.

Motions est un album dense, exigeant, ne se contentant pas de resservir une formule, mais puisant aux sources du jazz fusion, de la soul tendance psychédélique et du boom bap 90’s proposant, au final, une version dépoussiérée de ce que l’on nommait, au début des années 2000, le son abstract hip hop. De l’abstract, en version vocal, avec la voix de MoShadee et des featurings de classe avec Blu, King Krab et Georgia Anne Muldrow.

Motions est également le thème de l’album, le duo reprenant ici la bonne tradition jazzistique où une ritournelle faisant office de squelette musical du disque introduit, articule et conclut l’album. Par delà cette variation, l’auditeur navigue entre des productions nu soul, d’autres plus expérimentales, des inspirations tirant vers le cosmic jazz ou d’autres instrumentations plus directement boom bap.
La production assurée par Creestal est particulièrement soignée, pointue, attentive aux détails. A quelques exceptions près, comme le morceaux Old Souls, qui s’invitera avec délice dans votre playlist du samedi soir histoire d’improviser quelques pas de danse, les titres refusent la sacro-sainte construction couplet/refrain pour privilégier des montages plus complexes, faits de montées, de respirations et de transitions. Je ne ferais pas la liste des éléments instrumentaux et arrangements que j’apprécie. Tout est bon, parce que tout est cohérent, homogène et intelligemment produit. Je peux toutefois citer les batteries, bien sûr, une base quand on parle de beatmaking, et les claviers, comme sur le merveilleux titre Pay Due, ceux de Levels également où, si vous vous aventurez à fermer les yeux, le visage de Lonnie Liston Smith apparaitra comme par enchantement.
Question voix, l’ensemble est également de haute tenue. Alors, si il faut trouver une réserve, histoire d’équilibrer ne serait qu’un peu cette chronique, j’aurais aimé écouter davantage Georgia Anne Muldrow sur Rays. Enfin, c’est vraiment pour trouver quelque chose à redire.

Il me faut également évoquer le travail d’édition, avec la publication sur Munchie Records, label géré par MoShadee et Creestal. 200 copies vinyles distribuées et numérotées, avec une pochette magnifique signée par Deuce et CoreGrafx, accompagnée par quelques goodies à l’intérieur. Vous pouvez ajouter à cela un clip récemment mis en ligne, mettant à l’image le titre Old Souls. C’est même Creestal qui s’est collé à la réalisation, avec des images tournées dans Chinatown, à New York. 

Du fait maison, mais du fait maison top-notch comme on dit de l’autre côté de l’Atlantique. L’émotion qui se dégage du disque n’est pas étrangère au processus artisanal, au sens noble du terme, dont il est l’œuvre. 
J’ai débuté ce texte en évoquant un premier préjugé entourant la communauté hip hop. Pour conclure, j’en évoque un second : l’underground. Terme galvaudé dans bien de ces usages aujourd’hui, force est de constater que pour un album comme Motions et la démarche artistique de CM Jones, il reprend tout son sens et sa force. La musique n’est ici ni une histoire de moyens, de communication virale, de name dropping ou de tendance du moment. 
La musique est ici affaire de sincérité, de travail, de complicité, de respect. 

Maintenant, vous savez ce qu’il vous reste à faire !



CM Jones - Motions (Munchie records, 2016)
https://munchierecords.bandcamp.com/album/m-o-t-i-o-n-s


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