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Medeski, Martin & Wood

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En 1997, avec déjà trois albums remarquables à son actif, ce passionnant trio de jeunes New-Yorkais sort un petit dernier "Shack-Man", Scratch vous présente l’une des expérience les plus excitantes du jazz contemporain.

Tout d’abord, avant de spéculer sur les qualités évidentes des hautes oeuvres du trio, je pense qu’il serait utile - et instructif - de vous présenter succinctement nos trois lascars, histoire de savoir de qui on parle.
Originaire de Floride, John Medeski a commencé à étudier le piano et a travaillé avec Jaco Pastorius et Mark Murshy avant de partir à Boston en 1983 pour le conservatoire de Nouvelle Angleterre. Il a travaillé par la suite avec Dewey Redman, Christopher Holliday et le Either Orchestra, et joue de l’orgue pour la première fois avec le chanteur de blues Mr Jelly Belly. En 1991, il part à New-York où on l’entendra notamment avec les Lounge Lizard de John Lurie, le bassiste Reggie Workman et le groupe de John Zorn, Masada. Début 1994, il enregistre un excellent album en collaboration avec le guitariste Dave Fiuczynski dans une veine jazz-funk-rock, album sur lequel on retrouve notamment Michelle Johnson (alias Meshell Ndégé Ocello, utilisée ici à contre emploi) et le batteur Gene Lake.
Billy Martin, lui, est originaire de New-York. Dans ses premières années d’études, il s’intéresse autant à la batterie classique qu’aux percussions afro-cubaines. Ses connaissances très complètes dans l’art du drumming ont naturellement amené Martin à collaborer avec Bob Moses qui fit enregistrer le jeune percussionniste sur trois de ses albums. Ils enregistrent aussi un très bon disque en duo en 1987, Drumming Birds sur ITM Records. Billy Martin a aussi été entendu aux côtés de Chuck Mangione, Ned Rothenberg, ainsi qu’au sein du Masada de John Zorm, et il a fait partie de Lounge Lizard durant trois années.
Chris Wood est né dans le Colorado. Il a commencé par étudier la basse, autant classique que jazz. Après être entré au conservatoire de Nouvelle Angleterre en 1989, il suit à peu près le même parcours que Medeski à Boston et en 1991, il part lui aussi pour New-York. Musicien désormais très sollicité de la scène jazz down-town, il jouera avec les Jazz Passengers, le trompettiste Jack Walrath et les guitaristes Marc Ribot et Elliot Sharp.
Martin, Medeski & Wood travaillent ensemble en tant que trio depuis 1992. En août 1993, ils rentrent en studio et enregistrent leur premier album It’s A Jungle In Here avec Marc Ribot dans le rôle de l’invité de marque. Cet album, excellent, mo,Etre déjà l’intérêt du trio pour une musique à l’esprit résolument funky, réinventant là où on ne l’attendait pas la notion pure et jouissive d’un groove dansant et dynamique. Et c’est en 1994, avec son second disque Friday Afternoon In The Universe que le trio démontre véritablement l’ampleur de son talent. Partis d’une formule rendue autrefois populaire par Jimmy Smith, Medeski, Martin & Wood utilisent la structure du trio d’orgue (où la basse aurait remplacé la guitare) d’une manière à la fois classique et expérimentale, revisitant Duke Ellington avec la même fougue dévastatrice qu’ils déploient dans leurs propres compositions. Truffé de miniatures impressionnistes, cet album fait tout de même la part belle à un soul jazz façon seventies mais réinventé avec toute la liberté qu’on pouvait attendre de ces trois jeunes fouineurs modernistes : les rythmes s’accélèrent, se démultiplient et se déguisent joyeusement sous des couleurs variées ; les lignes de basse, d’une clarté éblouissante, ne perdent pas une occasion de s’échapper ; et les parties de clavier (le plus souvent des pianos antiques et des orgues électriques) oscillent entre free gospel rétro et jazz funk déjanté. Dire que Medeski, Martin & Wood possèdent une technique de jeu irréprochable serait bien restrictif tant leur propos est riche en idées nouvelles. De nouveauté, oui, c’est bien de cela qu’il s’agit, et l’écoute de leur troisième album Shack-man, enregistré en juin 1996 ne pourra que confirmer cette constatation : Medeski, Martin & Wood sont de ces musiciens qui apportent un sang neuf à un jazz qui aurait tendance à se mordre la queue, tant il insiste à s’enfermer dans un conservatisme stérile et sans surprise. Car la tradition, notre trio s’en sert précisément comme d’une base à leurs expérimentations, ils l’utilisent pour exprimer encore plus clairement leur engagement dans la musique de notre époque. Un parfait exemple en serait la première composition de Shack-man intitulé

  If There Nobody...1 

, une reprise d’un vieux traditionnel gospel dans laquelle Medeski, après une première partie très propre à l’orgue Hammond, s’empresse de fuir à couvert de distorsions sur le terrain d’une improvisation free sans concession. Mais quoi qu’il en soit Shack-man est à proprement parlé moins expérimental que l’album précédant ... Mais tout aussi funky ! Alors si vous avez besoin d’un bon petit bol d’air frais, laissez-vous tenter et découvrez sans plus attendre la musique de Medeski, Martin & Wood décidément l’une des plus excitantes qu’il nous ait été donné d’entendre durant les années 90.

Grandmaster DJ X / Scratch n° 7 / 1997


Medeski, Martin & Wood
« It’s A Jungle In Here »
« Friday Afternoon In The Universe »
« Shack-man »

John Medeski & Fiuczynski
« Lunar crush »

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