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Afternoon Of A Georgia Faun MARION BROWN

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Afternoon Of A Georgia Faun

[ECM]

"La musique que vous êtes en train d’écouter est née d’une expérience collective impliquant six instrumentistes, deux vocalistes et trois assistants. Bien que je sois à l’origine de cette entreprise, je ne prends aucun crédit dans les résultats. Quels qu’ils puissent être, ils vont aux musiciens collectivement". Ainsi Marion Brown introduisait-il, dans ses liner notes, une œuvre qui a su garder toute son étrangeté plus de vingt-cinq ans après sa création. Précisons aussi que les assistants qu’il mentionne ne sont pas, comme il l’explique lui-même, de vrais musiciens, mais « des gens qui ont le sens du rythme et de la mélodie ». Et oui, ça se passait comme ça en 1970... Un Black Power en pleine phase descendante et une communauté noire plus que jamais à la recherche d’une réelle liberté, que ce soit au sein de la société américaine ou dans le domaine artistique. Dans ce contexte social violent et revendicatif, de nouvelles possibilités s’ouvraient aux musiciens.
Marion Brown, lui, fait partie de cette première génération de free jazzmen qui, au milieu des années 60, donna au genre ses œuvres les plus radicales, les plus extrêmes. A l’instar des œuvres de l’Art Ensemble of Chicago, cet album en particulier privilégie les silences aux furieuses improvisations collectives propres au free-jazz. Une musique haute en couleurs, à la fois calme et agitée, et toujours grouillante de vie, comme une jungle africaine. Et dans la jungle, on s’y croirait ! Sifflets, frottements, caquètements, clochettes et percussions en tous genres viennent troubler le silence pour disparaître aussitôt à l’abri d’une ligne de piano inquiétante ou de vocalises sauvagement suggestives. Ici, aucun repère rythmique, aucune structure fixe à laquelle se raccrocher. Non, juste ce flot imprévisible, aussi mystérieux qu’incontournable, qui transporte l’auditeur vers des contrées vierges de toute civilisation.
Pour l’anecdote, et d’après les propres dires de Marion Brown, Djinji’s Corner, la deuxième composition de l’album, a été écrite pour accueillir Djinji Brown (le fils de Marion, tout jeune à l’époque) dans le monde de la musique. Aujourd’hui, Djinji est producteur dans le milieu hip-hop à New York et son nom apparait au générique de l’album de Shä-Key et du Blackadelic Blue de Jean-Paul Bourelly. On espère qu’il va continuer dans cette voie. En tout cas, il a de qui tenir, le bougre.


Grandmaster DJ X