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Space Echo

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Les résonances atlantiques et cosmiques venues du Cap-Vert

Au printemps 1968, un cargo rempli d’instruments de musiques de l’ère électrique et électronique qui s’ouvre alors, avec les synthétiseurs Hammond, Moog ou Korg, fait chemin jusqu’à Rio de Janeiro pour l’Exposiçao Mundial Do Son Electrônico, première du genre dans l’Hémisphère Sud.
Tandis que les musiciens brésiliens ou colombiens sont toujours sous le choc des nouvelles sonorités parvenant de ces instruments-machines, le bateau reprend son chemin. Il suit l’Atlantique jusqu’au large des côtes cap-verdiennes où il finira sa route, dans des circonstances troubles, coulé par l’armée soviétique dit une légende digne des meilleurs films d’espionnage d’inspiration cold war.

Et d’après vous, dans quelles mains atterrissent ces précieux objets de sons ? Dans celle de musiciens cap-verdiens, après que leur charismatique leader anti-colonial Amilcar Cabral eut la bonne idée de distribuer également ces instruments dans les établissements publics disposant d’électricité.
Voilà pour l’histoire.

Pour ses conséquences musicales, il nous a fallu attendre l’année 2016, pour nous européens et citoyens du monde, pour en prendre la mesure et nous spatialiser à notre tour à l’écoute de la musique révolutionnaire qu’inspira cette traversée atlantique imprévue d’instruments venues de l’ouest américain.

Les musiques de l’Atlantique Noir sont affaire de circulation et d’hybridation. Le Cosmic Sound of Cabo Verde que nous présente le label Analog Africa offre une nouvelle illustration de ce même changeant musical, ce syncrétisme musicologique et sonore, que fut et sont toujours les musiques noires. Le paysage sonore qu’ouvre cette compilation proposée par Samy Ben Redjeb, avec la collaboration du dj Déni Shain, démontre ainsi, si il en est encore besoin, la modernité du répertoire musical africain, ici lusophone, né aux temps des indépendances, où la culture est plus que tout question politique. Modernité non seulement musicologiques par l’apport, dans le cas présent, de l’électronique musicale, modernité, surtout, d’un territoire musical qui se nourrit des résonances culturelles de l’espace transatlantique dessiné, pour une toute autre raison, par les anciens esclavagistes et colonisateurs.

Comment maintenant retranscrire avec des mots l’expérience musicale que constitue les quinze titres de la compilation ? Exercice périlleux tant la richesse musicale et émotionnelle est au rendez-vous, du début à la fin de l’écoute. On s’installe dans ce qui fait figure de navette spatiale, commandée par les sons de synthétiseurs et soutenue par des sections rythmiques solides et hypnotiques, véritables battements de conduite honorant de la plus belle des manières l’idée même de groove. Il s’agit bien d’une évasion extra-terrestre qui, tout en nous projetant au plus lointain, nous plonge au plus profond de nous.

On décèle bien vite une signature, cap-verdienne, d’abord, avec des bases rythmiques vernaculaires, telles les Mornas, Coladeras ou Funana, lusophone, ensuite, avec des mouvements rappelant le semba angolais. Les instrumentations sont amples, complexes et magnifiques. Pianos, voix, accordéons, guitares, percussions, synthétiseurs se juxtaposent et s’harmonisent dans les hautes sphères, où l’esprit seul peut suivre la mesure. Où la technique et la théorie musicale s’effacent devant la puissance rythmique, évocatrice et spirituelle de la musique.
Les chanteurs sont nombreux, les backing band le sont moins, huit des quinze titres étant l’œuvre de Voz de Cabo Verde, dirigé par Paulino Vieira, figure tutélaire de cette folle scène cosmic sound cap-verdienne.

Un mot enfin sur les enregistrements et la production. Prodigieux. J’avais bien annoncé un mot. Il est amplement suffisant.

Vous savez ce qu’il vous reste à faire ?

  Po D Terra 

Arnaud Switch ’Groov’ Exp.